Il y a trois ans, Lamine Bangoura décédait en raison d’un étouffement à l’issue du maintien d’une forte pression prolongée sur sa cage thoracique. Bien que les circonstances soient différentes, la manière avec laquelle Lamine a perdu la vie n’est pas sans rappeler la mort de George Floyd au États-Unis. Les nombreux questionnements soulevés par la mort de Lamine n’ont, en revanche, pas connu le même retentissement dans notre pays. Pourtant, cette mort tragique soulève de nombreuses questions dont le Parlement devrait se saisir.
Dans cette affaire, la Chambre des mises en accusation a décidé d’un non-lieu, suivant le réquisitoire en ce sens du Parquet général. Si notre rôle en tant que représentants politiques n’est pas de commenter une décision de justice en particulier, il y a tout de même lieu de s’interroger sur la proportion importante de réquisitoires et de décisions de non-lieu rendues dans les affaires impliquant des fonctionnaires de police.
A l’heure où les liens de confiances avec la police s’érodent au fur et des images de violences policière et de témoignages interpellants
A l’heure où le Comité des Nations unies contre les discriminations pointe la Belgique en raison du manque d’actions face aux violences policières à caractère raciste signalées dans notre pays.
La mort de Lamine Bangoura ne peut pas rester sans réponse politique.
J’interrogerai ces prochaines jours la Ministre de l’intérieur et le Ministre de la Justice sur quelques questions politiques soulevées par ce drame.
- Question orale au Ministre de la Justice : La publicité de la procédure lors d’enquêtes pour violences policières.
Monsieur le Ministre,
Il y a trois ans, Lamine Bangoura décédait en raison d’un étouffement à l’issue du maintien d’une forte pression prolongée sur sa cage thoracique. Bien que les circonstances soient différentes, la manière avec laquelle Lamine a perdu la vie n’est pas sans rappeler la mort de George Floyd au États-Unis. Les nombreux questionnements soulevés par la mort de Lamine n’ont, en revanche, pas connu le même retentissement dans notre pays.Dans cette affaire, la Chambre des mises en accusation a décidé d’un non-lieu, suivant le réquisitoire en ce sens du Parquet général. Si notre rôle en tant que représentants politiques n’est pas de commenter une décision de justice en particulier, il y a tout de même lieu de s’interroger sur la proportion importante de réquisitoires et de décisions de non-lieu rendues dans les affaires impliquant des fonctionnaires de police.
En raison de cette pratique, la grande majorité des dossiers impliquant un fonctionnaire de police ne font pas l’objet d’un débat public devant le Tribunal correctionnel.
Or, la Cour européenne des droits de l’Homme rappelle que la publicité de la procédure protège les justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public; elle constitue aussi l’un des moyens qui contribuent à préserver la confiance dans les cours et tribunaux. Par la transparence qu’elle donne à l’administration de la justice, elle aide à réaliser le but de l’article 6 §1: le procès équitable, dont la garantie compte parmi les principes de toute société démocratique au sens de la Convention.
Il y a également lieu de s’interroger sur les enquêtes faisant suite à des interventions ayant entraîné la mort et impliquant des policiers, qui aboutissent dans leur immense majorité à des classements sans suite ou des non-lieux, et donc à l’absence d’un procès public.
Monsieur le Ministre
- Alors que le comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale a pointé la semaine passée les nombreuses lacunes de la Belgique dans le traitement des violences policières ;
Alors qu’on voit s’installer une défiance de l’opinion publique par rapport au traitement des violences policières et à l’impunité présumée, ou réelle, des policiers, Ne pensez-vous pas que l’absence presque systématique de procès public est particulièrement dommageable dans ce genre d’affaires ? - Dans cette optique, ne serait-il pas opportun de rappeler aux magistrats du Parquet que les dossiers où existent des charges suffisantes d’une infraction doivent faire l’objet d’un réquisitoire de renvoi, y compris lorsque ces dossiers impliquent des fonctionnaires de police en qualité de suspect?
2. Question orale au Ministre de la Justice Les indemnités de procédures à charge de la famille de la victime.
Monsieur le Ministre,
L’article 2 de la CEDH relatif au droit à la vie contient un volet procédural qui impose une enquête approfondie dès qu’une personne perd la vie en raison de l’intervention d’agents de l’État.
Vu le taux de décisions de classement sans suite et de non-lieu dans les affaires impliquant des policiers, c’est souvent aux familles de victimes d’initier les procédures.
Elles ne devraient pas être sanctionnées pour avoir cherché à connaître la vérité ou pour avoir souhaité épuiser les voies de recours internes en vue d’aller à la Cour de Strasbourg.
C’est leur droit. Or, la procédure actuelle permet au juge d’infliger des indemnités de procédures considérables à une famille endeuillée. Dans le cas de la famille de Lamine Bangoura, il s’agit de plus de 5000 euros.
Ce montant déjà exorbitant s’ajoute au 30.000 euros demandé par le funérarium à la famille de Lamine pour avoir conservé le corps alors qu’il devait rester placé sous scellé judiciaire.
Monsieur le Ministre,
- Ne pensez-vous pas qu’il soit moralement indécent de réclamer à une famille qui a perdu un des leurs et qui cherche uniquement à connaître la vérité sur les circonstances de sa mort, le paiement d’une telle somme ?
- Existe-t-il un fonds public auquel les familles endeuillées peuvent faire appel pour couvrir de tels frais liés aux procédures judiciaires? Dans la négative, y seriez-vous favorable ?
Question à la Ministre de l’Intérieure, Madame Verlinden –La technique de pression exercée sur une cage thoracique lors d’intervention.
Madame la Ministre,
Il y a trois ans, Lamine Bangoura mourait en raison d’un étouffement à l’issue du maintien d’une pression sur sa cage thoracique. Cette conclusion est celle du rapport du médecin légiste qui a autopsié le corps du jeune Guinéen.
Dans la formation de la police intitulée “ Formation maîtrise de la violence sans arme à feu – la pose des menottes”, la partie consacrée aux risques d’asphyxies explique: “ la pression des genoux et le poids du corps du/des policiers agissent sur la cage thoracique qui doit effectuer certains mouvements ( inspirations / expirations), nécessaire pour pouvoir respirer correctement. Ici, le corps va manquer d’oxygène (O2) et en même temps, il ne peut évacuer le dioxyde de carbone (CO2). Ce phénomène apparaît très rapidement si l’opposant a dépassé ses limites physiques , lors de l’arrestation par exemple” Après la mise des menottes, l’utilisation de la contrainte est donc stoppé, ceci en fonction de l’état de nervosité de l’opposant’. NOUS NE pouvons cependant PAS rester assis sur (le corps de) l’opposant’
Dès lors Madame la Ministre,
- Ces recommandations sont-elles connues par tous les agents de police ? Sont-elles rappelées en dehors de la formation initiale des policiers ?
- Le non-respect de celles-ci sont-elles sources de sanctions disciplinaires ?
Plus d’infos ?
L’avocate Selma Ben Khalifa revient sur les événements dans une carte Blanche publiée ce 24 avril:
https://www.levif.be/actualite/belgique/pas-de-justice-pour-lamine-bangoura-le-georges-floyd-belge/article-opinion-1418133.html
Sur facebook :
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Illustrations : Comité #JusticeForLamineBangoura
Photo de Nicole Baster sur Unsplash