Ce sont au total 32 pays qui sont visĂ©s pour non-respect du âdroit Ă un environnement sainâ par les plaignants originaires de Suisse, du Portugal et de France.
Le droit Ă lâenvironnement sain, vous vous en souvenez peut-ĂȘtre, câest justement le combat principal que je mĂšne au sein de lâAssemblĂ©e parlementaire du Conseil de l’Europe, lâorgane lĂ©gislatif du Conseil de lâEurope (la CEDH Ă©tant son bras judiciaire). Le problĂšme actuel est quâaucun texte du Conseil de lâEurope ne reconnaĂźt explicitement ce droit Ă lâenvironnement sain. Il nây pas de rĂ©fĂ©rence Ă ce droit dans notre texte fondateur, la Convention europĂ©enne des droits de lâHomme, ni une convention Ă part entiĂšre qui protĂšge explicitement les 690 millions de citoyen·nes du Conseil de lâEurope. Actuellement, les juges rendent des avis sur des affaires climatiques en pratiquant ce quâon appelle « le droit par ricochet », câest-Ă -dire en faisant rĂ©fĂ©rence Ă dâautres droits reconnus en Europe, comme lâarticle 2 de la Convention qui reconnaĂźt le droit Ă la vie, ou encore lâarticle 8 qui consacre le droit de la famille.
Les droits humains europĂ©ens ont Ă©tĂ© construits au lendemain de la Seconde Guerre mondiale dans une approche basĂ©e sur la libertĂ© des individus. Câest tout lâesprit de la Convention europĂ©enne des droits de lâHomme signĂ©e en 1950, sur laquelle sâest construit le Conseil de lâEurope. Quelques annĂ©es plus tard, lâinstitution adopte la « Charte sociale europĂ©enne », qui intĂšgre quant Ă elle des droits sociaux comme le droit Ă se syndiquer, le droit au logement, etc.
70 aprĂšs la naissance du Conseil de lâEurope, aucun texte nâa apportĂ© de nouveaux types de droits humains, des droits plus collectifs comme le droit Ă la paix, au respect du patrimoine ou bien sĂ»r Ă lâenvironnement sain. Pourtant, la plupart des institutions rĂ©gionales de protection des droits humains hors Europe le reconnaissent dĂ©jĂ . Câest par exemple le cas de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. Câest pour combler ce dĂ©ficit de protection en Europe quâen 2021, jâai fait voter un rapport trĂšs important Ă lâAssemblĂ©e : « Ancrer le droit Ă lâenvironnement sain dans les instruments juridiques du conseil de lâEurope ». Ce rapport proposait au ComitĂ© des ministres du Conseil de lâEurope, lâorgane exĂ©cutif qui rĂ©unit les 46 ministres des 46 Ătats membres, plusieurs instruments :
A/ Un protocole additionnel Ă la Convention europĂ©enne des droits de lâHomme. De maniĂšre simplifiĂ©e, câest un texte ajoutĂ© au texte fondateur de l’institution sur le droit Ă lâenvironnement sain de nos gĂ©nĂ©rations et de celles Ă venir. La Convention a en effet lâavantage dâĂȘtre connue, efficace, car contraignante, mais reste cependant trĂšs individuelle dans son approche.
B/ Un protocole additionnel Ă la Charte sociale europĂ©enne. Câest le mĂȘme principe que A/ mais pour le deuxiĂšme texte fondateur du Conseil de lâEurope. La Charte Ă lâavantage de permettre des saisines collectives (par une association, par exemple), mais est beaucoup moins connue et non contraignante.
C/ Une nouvelle convention spĂ©cifique sur le droit Ă lâenvironnement sain avec, pourquoi pas, une Cour Ă part entiĂšre pour juger des affaires climatiques, de la dĂ©gradation de la biodiversitĂ©, du paysage, etc.
Car, comme expliquĂ© ci-dessus, si des juges ont dĂ©jĂ reconnu le droit Ă lâenvironnement sain âpar ricochetâ dans certaines affaires, la reconnaissance explicite de ce droit est fondamentale. PremiĂšrement, elle permettrait de mieux dĂ©limiter ce droit et donc dâimpacter la maniĂšre dont les pays qui le reconnaissent le protĂšgent. Par exemple, si la Belgique reconnaĂźt dans sa Constitution le droit Ă un environnement sain, ce dernier protĂšge seulement contre la dĂ©tĂ©rioration de la situation actuelle et ne peut pas ĂȘtre mobilisĂ© pour une politique climatique plus ambitieuse. Ensuite, une reconnaissance de ce droit permettrait de relever les standards en termes de protection des droits humains grĂące au caractĂšre prĂ©ventif du droit. Pour finir, cela faciliterait clairement le travail des juges Ă la Cour qui ne devrait plus Ă©laborer des contorsions complexes pour protĂ©ger les citoyen·nes.
Depuis le vote – Ă lâunanimitĂ© – de mon rapport en 2021, le contexte politique autrefois favorable a bien changĂ©. La Covid, la crise Ă©nergĂ©tique et la volontĂ© de « faire une pause » chez les conservateurs europĂ©ens (coucou les EngagĂ©s) ont rendu le soutien Ă ce droit Ă lâenvironnement sain beaucoup moins important aujourdâhui. Le ComitĂ© des Ministres a ainsi mis en place un groupe pour rĂ©flĂ©chir Ă la « faisabilitĂ© » dâun instrument juridique pour le droit Ă un environnement sain, groupe dans lequel jâai siĂ©gĂ© Ă Strasbourg pendant 3 ans.
En parallĂšle, le Conseil de lâEurope a tenu son 4e sommet historique Ă Reykjavik il y a quelques mois et a notamment reconnu le droit Ă lâenvironnement sain dans une dĂ©claration. Il a dĂ©cidĂ© la mise en place dâun « comitĂ© de Reykjavik » pour continuer Ă porter le droit Ă lâenvironnement sain. Autant dire, pas grand-chose de concret.
Câest dans ce cadre que 3 ans aprĂšs mon premier rapport sur le droit Ă lâenvironnement sain, je mâapprĂȘte Ă faire voter un nouveau rapport la semaine prochaine Ă Strasbourg sur le suivi de ce comitĂ© de Reykjavik oĂč je demande des actions concrĂštes pour faire reconnaĂźtre ce droit Ă lâenvironnement sain.
Cet aprĂšs-midi, des juges se prononceront sur la requĂȘte de dizaines de citoyen.ne.s europĂ©ens. Il est possible que lâaffaire soit jugĂ©e non recevable, en partie pour des raisons de procĂ©dures (car la Cour europĂ©enne des droits de lâHomme ne peut ĂȘtre saisie quâen cas dâĂ©puisement des voies juridiques internes). Mais quoiquâil en soit, le courage de ces personnes me pousse Ă continuer ce combat pour armer juridiquement les citoyen·nes dans la dĂ©fense dâun environnement sain et pour que plus de 690 millions de personnes, ainsi que les gĂ©nĂ©rations futures, soient protĂ©gĂ©es.
Article sur le verdict attendu :
Mon rapport: