Proche-Orient: «La Belgique peut agir contre les annexions annoncées par Israël»
Le député Simon Moutquin (Ecolo) explique que son parti souhaite, par une résolution au Parlement, orienter le gouvernement belge vers des sanctions contre Israël en cas d’annexion de territoires palestiniens.
Binyamin Netanyahou l’a dit et répété : l’occasion est trop belle, grâce au plan de paix Trump favorable aux intérêts israéliens, Israël doit annexer au plus tôt les colonies juives et la vallée du Jourdain, avant l’élection américaine de novembre. Ces territoires sont situés aux yeux de la communauté internationale en territoires palestiniens occupés. De nombreuses condamnations de cette intention israélienne ont déjà fusé, y compris d’Europe, mais rien n’y fait : selon l’accord de gouvernement approuvé par la Knesset à Jérusalem le 7 mai, le processus d’annexion doit débuter le 1er juillet. En Belgique, le groupe Ecolo-Groen prend l’initiative de lancer une proposition de résolution pour que la Belgique prenne la tête des protestations y compris en prônant des sanctions contre une éventuelle annexion. Nous avons interrogé Simon Moutquin, le député fédéral Ecolo, sur ce sujet.
Pourquoi Ecolo-Groen déposent-ils cette proposition de résolution maintenant ?
Avec cette résolution, nous voulons lancer un signal d’alerte et nous opposer à une nouvelle étape de la colonisation israélienne en Palestine qui aurait des conséquences dramatiques. Dans le cadre d’une mission parlementaire dans les territoires palestiniens occupés, mission demandée par les écologistes mais reportée pour cause de Covid, nous avons auditionné la semaine dernière les ambassadeurs de Palestine et d’Israël à la Chambre. Les propos tenus par l’ambassadeur israélien ont confirmé la volonté du nouveau gouvernement israélien d’entamer une annexion d’une partie de la Cisjordanie. Le diplomate israélien parlait lui de « confirmer la souveraineté israélienne », ce qui est bien entendu un déni total du droit international comme le plan de « paix » de Trump sur lequel se base cette décision.
En quoi consiste concrètement la proposition d’action ?
Nous voulons travailler sur deux volets ; premièrement, prévenir l’éventuelle annexion en signifiant très clairement aux autorités israéliennes les conséquences d’une telle décision. Nous l’avons déjà demandé, mais une convocation immédiate de l’ambassadeur israélien doit être mise en place. Ensuite, la Belgique et l’Union européenne doivent être préparées à l’éventualité d’une annexion annoncée pour juillet en élaborant une liste de contre-mesures efficaces. Nous voulons permettre un débat parlementaire constructif sur les mesures à lister, mais une interdiction des produits des colonies, le gel d’avoirs israéliens ou encore une suspension d’accords économiques avec l’Union européenne sont des possibilités.
Israël va se braquer et dire que vous vous ingérez dans sa politique intérieure…
On le sait, le conflit israélo-palestinien a des répercussions jusque chez nous. Sous couvert d’une lutte contre l’antisémitisme, qui est bien entendu un véritable combat à mener, les autorités israéliennes instrumentalisent les tensions communautaires qui peuvent traverser notre société pour justifier une politique de colonisation brutale et illégale qui elle-même provoque à son tour des tensions chez nous. C’est un cercle sans fin qu’il faut pouvoir arrêter. Par ailleurs, un des fondamentaux du droit est que les Etats ont l’obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien d’une situation créée par la violation du droit international.
Israël n’a jamais subi de sanctions initiées par des pays occidentaux pour sa politique en territoire occupé, ce serait donc une première, mais cette absence de sanctions vient du soutien que pays reçoit de la part de plusieurs pays européens (comme l’Allemagne pour les raisons historiques que l’on sait), pensez-vous que cette demande de sanctions pourrait néanmoins être étendue à l’ensemble de l’UE ?
Si l’Europe veut garder une crédibilité sur la scène diplomatique internationale, elle ne peut pas fonctionner à géométrie variable. Les sanctions mises en place contre l’invasion de la Russie en Crimée montrent qu’un consensus diplomatique européen est possible. Une diplomatie à la carte serait incompréhensible et attiserait encore le sentiment d’impunité dont jouit Israël. Mais c’est vrai, un consensus européen sera difficile, et ce n’est pas toujours Angela Merkel, agacée par les comportements du Premier ministre israélien, qui en est responsable ; on sait les accointances du gouvernement israélien avec l’extrême droite européenne incarnée notamment par Viktor Orban. Quoi qu’il en soit, nous ne voulons pas que la Belgique se cache derrière un consensus européen, nous pouvons aussi agir au niveau belge !
Avez-vous déjà sondé les autres partis au Parlement belge, ce texte devrait-il recueillir une majorité ? Et quand sera-t-il débattu ?
Nous avons surtout écouté les propos tenus par nos collègues en commission des Affaires étrangères. Toutes et tous, à l’exception de la NVA et du Vlaams Belang, condamnaient clairement une éventuelle annexion. Nous voulons être constructifs avec ce texte et faire en sorte que le Parlement donne la trajectoire au gouvernement dans ce dossier. Nous en débattrons donc en commission dès mercredi.
Baudouin Loos, le 02 juin 2020. (Publié ici avec autorisation de l’auteur)