Palestine, un combat pour un peuple, et une idée du monde.

Cette photo, elle a été prise il y a 10 ans. C’était mon troisième voyage en territoire occupé. Un stage de plusieurs mois pour une organisation humanitaire palestinienne. Ce jour-là, on partait dans la vallée du Jourdain, à quelques kilomètres de Jéricho pour une grande journée d’animation avec des centaines d’enfants. Rien de plus normal jusqu’ici. Alors que la journée se passait à merveille, l’armée israélienne a commencé à entourer le village à quelques kilomètres d’où nous nous trouvions. Les Palestiniens qui nous accompagnaient souriaient et expliquaient : « Ils savent que la nourriture que nous avons prévu pour les enfants que nous animons arrive. Ils bloquent les routes pour mettre fin et faim à notre journée ». Opération réussie, la journée s’est achevée sur le temps de midi faute de pouvoir donner à boire aux enfants en suffisance sous une chaleur accablante.  

Ce jour-là, je me suis rappelé ce qu’était l’occupation israélienne pour les Palestiniens. Ce n’est pas juste des milliers de colonies aux quatre coins d’une Palestine morcelée par des routes, des checkpoints et un mur qui serpente dans le pays pour avaler des terres. L’occupation, c’est une réalité quotidienne qui opprime les Palestiniens dans tous les aspects de leur vie : ne pas avoir accès à une nourriture ; se voir bloquer la route le jour d’un examen à un checkpoint ; se faire soulever sa robe sous l’injonction d’un militaire israélien devant des centaines d’hommes ;  se faire réveiller pendant la nuit par des incursions de l’armée ; etc. L’occupation n’est pas qu’une occupation physique, elle est aussi psychologique, elle vise à briser des âmes, la culture d’un pays.


Ce que je vous raconte, c’était il y a 10 ans. Mais moi, mon premier voyage en Palestine, c’était à l’âge de 18 ans. J’ai très vite compris à ce moment que les violations quotidiennes du droit international, la politique d’occupation/colonisation/apartheid à l’encontre des Palestiniens prenaient sa source dans une lâcheté européenne à l’encontre d’un État qui bafoue tous les fondements de notre socle commun. La symbolique du « conflit israélo-palestinien » est en réalité celle d’une superposition de combats qui traversent nos sociétés et notre vision politique : la nécessité d’une politique internationale cohérente, la lutte contre toutes les formes de racismes, contre les dominations coloniales, l’armement à travers le monde, la question de l’accaparement des ressources… La cause palestinienne a construit ma vision politique depuis mes 18 ans, elle m’a fait naître un sentiment d’injustice que beaucoup de personnes, ici ou là-bas, vivent quotidiennement. Mais elle m’a surtout convaincue de l’importance de prendre part aux décisions politiques, de faire correspondre les aspirations de la société civile aux réalités politiques. 

Depuis plus de 8 mois, l’armée israélienne pilonne et massacre la population de Gaza. Pas un jour ne passe sans que je pense à ces amis rencontrés durant de nombreux voyages en Palestine. Certains ont perdu des dizaines de membres de leur famille. D’autres ne donnent plus de nouvelles. Silence. Dès le 7 octobre, tout en dénonçant très clairement les actions du Hamas contre des civils israéliens, j’ai tenté d’avertir de la violence de la réponse israélienne et des intentions du gouvernement d’extrême droite israélien. 8 mois après, nous y sommes. La folie du gouvernement israélien n’a pas permis de libérer les otages, elle les a probablement condamnés. La stratégie du Premier ministre israélien a toujours été très claire : détruire Gaza pour des décennies. Plus de 40 000 personnes ont été tuées, majoritairement des femmes et des enfants.  

Si ces derniers mois sont une horreur pour le peuple palestinien, ils seront aussi une horreur pour des millions de personnes à travers le monde qui, voyant l’impunité dont jouit le gouvernement israélien, perdront foi dans les institutions internationales et dans les « dérives de l’Occident ». C’est un fossé qui grandit de plus en plus entre un Nord arrogant et le reste du monde qui ne comprend pas ces deux poids deux mesures. Ce même Nord qui a permis des sanctions justifiées contre le régime de Poutine en 24 h, mais qui laisse disparaitre le peuple palestinien, son histoire, et son avenir.

Je ne suis pas « propalestinien », cela ne veut rien dire. On ne parle pas d’un match de foot qui oppose Bruges à l’Union. Je défends juste une vision du droit international qui doit être la même pour tous les peuples à travers le monde. Nous avons une responsabilité historique dans le conflit israélo-palestinien et c’est bien notre devoir de faire en sorte de permettre une paix juste et durable. Cela passera par de réelles sanctions envers une politique illégale au regard du droit international.

Le 12 juin prochain, je partirai à Genève en tant que président de commission au Conseil de l’Europe pour faciliter le dialogue entre des parlementaires ukrainiens et des organisations internationales humanitaires autour de la question de la déportation des enfants ukrainiens en Russie (la Russie a déporté des milliers d’entre eux afin de les « russifier » et de briser la société ukrainienne). Ce combat que je mène depuis plusieurs mois pour permettre le retour de ces enfants, il tire sa source de la même injustice que subissent ces enfants affamés il y a 10 ans lors de mon voyage en Palestine : tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

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