Crise énergétique et crise climatique, les deux faces d’une même pièce

Le climat s’affole…

 

Le 20 juillet au Parlement, nous commémorions avec beaucoup d’émotions les victimes des terribles inondations de 2021 à l’est de la Belgique et en Allemagne tout en nous souvenant que l’été passé, des forêts entières brûlaient en Sibérie et dans le sud de l’Europe.

Cette année, nous venons à l’inverse de connaître en Belgique le mois d’août le plus chaud depuis les récoltes de données de 1833. Trois vagues de chaleur ont brûlé des milliers d’hectares, rendu nos prairies brunes et flétri nos fleurs et légumes. Aujourd’hui, certains éleveurs ne peuvent plus nourrir leurs bêtes en raison du manque de fourrage et de leurs prix élevés, des maisons s’effondrent dans le nord de la France sous l’effet de la chaleur et le commerce fluvial indispensable aux industries allemandes est ralenti en raison d’un niveau d’eau trop faible.  Le dérèglement climatique est là, chez nous, plus tôt que prévu et prêt à rendre chaque année plus fraîche que la suivante.

Si on regarde un peu plus loin, au Pakistan, c’est au contraire les pires inondations depuis 2010 que le pays a subi, avec plus d’un tiers de son territoire touché, près de 1500 morts et 55 millions de déplacés (c’est autant qu’à l’échelle du monde sur l’année précédente). Après cet été, certains observateurs s’inquiètent des prévisions trop optimistes des experts du GIEC et craignent que le pire scénario envisagé par l’agence de l’ONU soit en réalité le plus probable. Les phénomènes que nous avons connus sont bien le résultat du réchauffement climatique et le dérèglement qui l’accompagne. Pour faire bref, nous sommes confrontés à une stagnation des phénomènes de dépressions/anticyclones en raison des dérèglements des vents dus au peu de différence de température entre les pôles et l’équateur.

 

… les prix s’envolent

 

À côté de cette crise climatique qui s’installe, l’été a aussi été marqué par des envolées de prix de l’énergie, des matières premières et de l’alimentation, les trois étant liés. La rentrée politique sera légitimement consacrée à la question de la crise énergétique et son impact sur des millions de Belges, mais certains acteurs oublient peut-être que cette crise prend sa source dans un manque d’ambition à l’échelle européenne et globale pour lutter contre les dérèglements climatiques tout en assurant une autonomie d’approvisionnement énergétique. Preuve en est ces chiffres de l’Agence internationale de l’énergie : les subventions publiques aux énergies fossiles, largement importées de pays douteux et principaux responsables du réchauffement climatique, dans 51 pays du monde ont presque doublé, passant de 362,4 milliards en 2020 à 697,2 milliards de dollars en 2021.

Mais pourquoi cette envolée des prix malgré ces subventions qui ne cessent d’augmenter ? Les causes structurelles de cette crise sont dénoncées depuis des décennies par les écologistes :

Premièrement, des décennies ont été perdues par manque d’ambition dans la transition énergétique belge et européenne. La plupart des États européens, Belgique comprise, ont préféré rester drogués aux pétroles et au gaz d’autocrates du monde entier, payant nos doses à des prix faussement bon marché (subventions, coût environnemental et social non pris en compte, etc.) plutôt que d’investir massivement dans des énergies propres et locales, dans la recherche pour des moyens de stockage de l’énergie, dans l’isolation, etc.  Les Ukrainiens payent aujourd’hui notre dépendance à Poutine, de même que celles et ceux qui vivent sous le joug de la pétromonarchie au Moyen-Orient. L’autre raison que nous dénonçons depuis toujours est la libéralisation des marchés de l’énergie au niveau européen, voulue par les recettes classiques libérales de la Commission européenne, qui a rendu le marché incontrôlable. Le mécanisme européen qui lie les prix de l’électricité à celui du gaz de Poutine (qui coupe les vannes) provoque une envolée des deux sources de consommation énergétique.  Ceux qui prônaient la main invisible pour faire baisser les prix se retrouvent actuellement à devoir casser la tirelire des fonds publics pour atténuer les prix devenus fous des marchés.

Si la crise du covid a montré l’importance d’un système de soins de santé publique fort, la crise de l’énergie nous montre aujourd’hui à quel point la régulation des marchés (de l’énergie, de l’allocation, des matières premières) sera indispensable pour réaliser une transition écologique et socialement juste. La taxation massive des surprofits des producteurs d’énergie qui s’enrichissent sur la crise actuelle n’est pas qu’une nécessité sociale et climatique, elle est aussi un gage de la capacité de politique à agir concrètement et maintenir la confiance des citoyens.

Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous cacher derrière un « on l’avait dit » qui serait particulièrement malvenu vu les souffrances que pourrait engendrer cette crise énergétique si elle n’est pas rapidement contrôlée. 4 milliards ont déjà été libérés pour permettre aux plus précaires d’être protégés (le « tarif social ») et à d’autres d’être soulagés (le « chèque mazout »). Mais ces mesures, en attendant un plafonnement des prix, une taxe sur les surprofits, etc., ne seront pas suffisantes. Si nous ne voulons pas élargir le fossé entre citoyens et politiques, ou encore agrandir le lit des extrêmes, les gouvernements ont une obligation de résultat.

 

PS : Et le nucléaire, dans tout ça ?

 

Le débat sur l’énergie nucléaire n’a rien à faire dans la réflexion sur la crise énergétique actuelle. Si nous avons démontré qu’il n’y avait pas de tabou sur la question (deux réacteurs seront prolongés de 10 ans, assurant une sécurité d’approvisionnement), il n’est pas acceptable que le débat soit pollué par les tweets d’irresponsables politiques qui tentent, par de cette crise, d’affaiblir leurs opposants politiques plutôt que de travailler à des solutions. C’est le cas de la N-VA en Flandre, mais aussi de son principal allié au sein du gouvernement, Georges-Louis Bouchez, qui s’attaque personnellement à des membres du gouvernement. Faire croire que la prolongation (impossible pour certains réacteurs) ou la construction de nouvelles centrales (qui prendrait 10 à 20 ans) changeront quelque chose à la situation actuelle est une distorsion électoraliste. 
En témoignent les prix de l’électricité aussi élevés en France, largement alimentés par un des plus grands parcs nucléaires au monde, mais aussi chez nous, où les prix de l’énergie s’affolent, malgré que nos réacteurs soient toujours en service.

Photo de Clint Patterson sur Unsplash

Dans la même catégorie…