20 jours de bombardements à Gaza. 70 ans de cauchemar pour les Palestiniens.

20 jours de bombardements à Gaza.
70 ans de cauchemar pour les Palestiniens.

8000 personnes ont été tuées. 40 % sont des enfants. Des enfants.
Un logement sur deux est détruit. Des hôpitaux, des écoles touchés. Une famine organisée par Israël, des Gazaouis forcés de se déplacer pour un million d’entre eux dans une prison à ciel ouvert. Des crimes de guerre à la pelle.
Un massacre.

Jeudi dernier, c’était la séance de questions/ réponses au Parlement fédéral. Nous avons initié un débat avec le Premier ministre sur le vote d’une résolution aux Nations Unies qui demandait un cessez-le-feu et la libération des otages sans condition. Majorité comme opposition demandaient de soutenir cette résolution. Seul un parti campait sur ses positions, seul un parti semblait juger ce massacre nécessaire. Le MR.

Les heures qui ont suivi le débat en plénière, sentant l’hésitation, les écologistes et d’autres, avec la société civile, avons mis toute notre énergie pour nous assurer d’un vote positif.
Le lendemain, à 21 h, la Belgique votait avec  seulement 30 % de pays européens en faveur de la résolution.

Une victoire ? Non, à peine une respiration. Pendant que les débats sur la résolution avaient lieu, le gouvernement israélien envoyait un immense doigt d’honneur au monde entier en intensifiant ses frappes sur la population gazaouis. Communication coupée par Israël. Plus de GSM, plus d’internet à Gaza, plus de caméras, plus d’ONG.
Juste des humains, de l’obscurité et des bombes.
Silence, ceci c’est un massacre.

Depuis l’horreur continue. Le monde regarde l’une des pires catastrophes humaines se déroulant sous ses yeux. Celle du peuple palestinien qu’Israël éteint . C’est la Nakba, la catastrophe en arabe, qui a commencé avec l’exil de 800.000 Palestiniens chassés en 1948, et qui se poursuit depuis à travers une politique d’oppression d’un peuple.

Ce massacre en cours, c’est un nouvel échec de la communauté internationale, comme celui qui a permis le massacre de Srebrenica, de Sabra et de Chatila, comme cet échec qui a permis le génocide rwandais. C’est l’échec d’une diplomatie qui depuis des décennies est incapable d”agir sur la racine du “conflit israélo-palestinien”, incapable d’imposer des sanctions à Israël pour mettre fin à l’oppression de millions de Palestiniens qui meurent en raison d’une politique d’occupation, de colonisation et d’apartheid. La culpabilité du continent européen sur cet antisémitisme presque millénaire qui a conduit à la Shoah du siècle dernier.

Mais quelle honte! Mais quelle honte pour cette prétendue défense du droit international que “nous” diffusons, que “nous” réclamons à travers le monde, quelle hypocrisie pour cette morale occidentale qu’on impose à géométrie variable en fonction d’intérêts géostratégiques.

On pensait avoir mis en échec le “choc des civilisations”, défendu par l’administration Bush à l’époque des bombardements sur l’Irak. Ce “choc des civilisations” nourrit depuis sa théorisation un projet politique conservateur. Le conflit israélo-palestinien représente une crête et une opportunité d’instrumentalisation politique qui consistent à opposer le monde civilisé, et le monde des “barbares”. Le monde « judéo-chrétien » au monde musulman. L’islamophobie grandissante en Europe se superpose à cette lecture civilisationnelle du conflit: c’est “eux” contre “nous”

Et pourtant, ça ne fonctionnera pas. Aux États-Unis, des milliers de personnes juives envahissent le congrès ou les grandes gares du pays en arborant des slogans “ Not in My name”. Ici en Europe, chez nous, les manifestations sont un melting pot de nos pays : musulmans, chrétiens, athées, juifs, hétéros, LGBT, wallons, bruxellois ou flamands. Je vois fleurir des groupes “ Queer for Palestine”, des chrétiens marchent pour la paix, et l’émotion face à la situation transcende toute différence religieuse ou culturelle. Malgré la force et la haine qu’ils y mettent, notamment sur les réseaux sociaux, ça ne fonctionne pas. Nous résistons.

Par ailleurs, je n’en veux pas à ces personnes ou associations juives qui critiquent mes positions ou qui sont aujourd’hui persuadées que je justifie l’injustifiable. Nous devons accepter la souffrance de l’autre. Le massacre du Hamas du 7 octobre a réveillé pour beaucoup de personnes les pires heures de notre histoire européenne et le sentiment d’abandon ou de négation de l’horreur qu’une personne juive peut subir parce que juive. Les familles de otages ou des victimes que j’ai rencontrées au parlement sont anéanties, et il faut tout faire aujourd’hui pour libérer leur famille. Il n’y a aucun “mais” à cela.

Non, j’en veux énormément à celles et ceux qui refusent le courage de la nuance, qui polarisent, qui brocardent nos prétendus silences mais se taisent depuis 20 jours de bombardements. Ceux qui prétendent qu’on se tait sur le terrorisme pour polarier et récupérer des voix. Ceux qui nous accusent l’électoralisme mais qui n’ont comme projet que la diffusion d’une peur qui nourrit leur projet conservateur. Ceux qui utilisent la souffrance d’une communauté pour pointer du doigt une autre.

Pire, j’en veux terriblement à ces dirigeants qui n’ont pas eu le courage de la nuance, celles et ceux qui ont “apporté leur soutien sans faille”, ont réaffirmé “le droit d’Israël de répliquer sans limites”, qui hier expliquaient quand même qu’Israël doit faire attention aux civils” et qui demain regarderons leurs pieds quand l’ampleur du massacre sera connue. J’espère que ces gens seront jugés un jour. Ces personnes ont été les sponsors d’une “avalanche de souffrance humaine” pour reprendre les mots du Secrétaire général des Nations unies.

(Attention chers lecteurs conservateurs, le chapitre qui suit apporte une analyse et de la nuance, ne vous étranglez pas au petit déjeuner)

Cette souffrance ne détruira pas le terrorisme, elle continuera au contraire à le nourrir.
Le terrorisme que l’ont doit combattre quelqu’il soit, devrait amener des réponses plus complexes que des bombes et des slogans. L’État islamique est né sur les ruines des bombardements inutiles et criminels de l’Irak et sur le chaos engendré par la Communauté internationale incapable d’empêcher les massacres commis par Bachar El Assad. Les terroristes du Sahel se renforcent ces dernières années en raison de l’appauvrissement de la population et du démantèlement de l’État libyen suite à l’assasinat de Kadhafi. Le Hamas, à la base un mouvement islamiste né dans les années 80, va se politiser début des années 2000. Il émerge dans les mêmes conditions que le fanatisme religieux en Israël: un embourbement de la voie diplomatique incapable de sortir Palestiniens et Israéliens d’un conflit cinquantenaire. L’émergence du Hamas est alors une aubaine pour les faucons d’Israël qui laisse l’organisation grandir pour voir émerger sur la scène politique palestinienne une concurrence au puissant Fatah de Yasser Arafat. A Gaza le Hamas, inspiré des Frères musulmans, fournit depuis 17 ans de blocus, ses propres services publics à une population qui survit grâce à l’aide humanitaire et dont le taux de chômage avoisine les 60%. La paupérisation de la population gazaouis et les 6 bombardements qu’elle a connus depuis le début du blocus n’ont donc fait que renforcer le Hamas, et ses liens avec la population. Rappeler ce contexte n’est en rien justifier les actes terroristes commis le 7 octobre. C’est un rappel du terreau qui permet la terreur.
Le contexte n’est pas une justification.

C’est un devoir moral que nous avons, « nous » Européens, co-responsables de la situation d’aujourd’hui au Moyen-Orient. Responsables, car en 1917, lord Balfour, lui-même nourrit par son propre antisémitisme, promettait déjà l’établissement d’un “foyer national juif” sur les terres de Palestine. Responsable, car 30 ans plus tard, horrifié par les conséquences de son propre antisémitisme, l’occident partageait en deux la Palestine promettant 55 % du territoire à un “peuple sans terre”, sur une prétendue “terre sans peuple”.

Nous sommes aussi responsables, car depuis, la communauté internationale est incapable de faire respecter le droit international et laisse cet Etat israélien bafouer toutes règles sont elle dotée à la sortie des heures les plus sombres de son histoire, notamment la convention de Genève qui pose des règles aux guerres.

Responsables aussi, car nos liens économiques avec Israël, notamment la sponsorisation de la colonisation via l’importation des produits qui en sont issus, sont aujourd’hui un permis de coloniser. Les appels à la solution à deux États sonnent faux quand l’Europe laisse 600.000 colons et une occupation gangrener tout espoir d’une paix juste et durable.

La priorité ces prochains jours c’est de faire appliquer la résolution votée aux Nations unies. Mettre fin au massacre, imposer un cessez-le-feu, libérer les otages et garantir l’accès à l’aide humanitaire à Gaza. Plus tard, il faudra travailler à convaincre. Convaincre qu’il est temps d’aller à la racine des choses. Convaincre qu’il faut sanctionner cette politique d’occupation, de colonisation et d’apartheid. Que c’est elle qui tue tout espoir d’une paix juste et durable, que c’est ce laisser faire à cette politique israélienne qui fait perdre toute crédibilité à l’Union européenne dans la défense d’un monde juste.
Nous n’avons pas le luxe du désespoir.

Il parait que le combat pour faire cesser ce massacre est un “jeu électoral” une “drague de la communauté musulmane”. Étrange parce que dans le Brabant wallon, où je suis élu cet argument électoral ne tient pas.  C’est étrange, parce que j’ai participé à la manifestation  dimanche dernier qui a rassemblée près de 40.000 personnes, et nous étions musulmans, chrétiens, athées, juifs, blancs, noir, arabes, berbères, wallons, flamands, hétéros ou LGBT.

En fait, chers rageux, chers trolls, chers haineux, chers conservateurs du MR et d’ailleurs, c’est étrange parce que, plus que jamais, j’ai l’impression que quand on se bat pour la fin d’un massacre, on ne le fait pas par électoralisme, on le fait parce qu’on représente des citoyen.ne.s qui partout à travers le pays demandent aujourd’hui un cessez-le-feu, on le fait parce que nos électeurs défendent une paix juste et durable, on le fait parce que, contrairement à vous, certain.e.s se battent encore pour la solidarité, l’égalité, le vivre ensemble…la Vie en fait.

Il n’y a pas de hiérarchie dans la souffrance. La douleur des familles des 1400 victimes des attentats terroristes ou des otages du Hamas est la même que celle des proches des 8000 personnes massacrées dans les bombardements israéliens sur une population civile. La douleur. Malheureusement, il n’y pas non plus de hiérarchie dans la colère, elle est légitime quand elle traverse une communauté juive qui se sent incomprise dans sa souffrance et dans ses peurs bien compréhensibles, et, elle est, tout aussi compréhensible dans une communauté “arabo-musulmane” qui voit cette injustice depuis des décennies qui consiste à considérer la vie d’un palestinien et sa liberté comme accessoire.

Mais aujourd’hui cette colère et cette injustice, c’est aussi la vôtre, la nôtre. Ces images qui défilent, cette boule au ventre dès le matin, ces larmes qui montent. Cette injustice qui nourrit cette colère. Cette vision d’un monde juste qui s’éloigne. Et pourtant, nous leur devons nos prochains combats pour ce monde juste.
C’est mon combat depuis mes 18 ans, lors de mon premier voyage dans un camp de réfugiés en Palestine, et ça le sera d’autant plus ces prochaines semaines.

Je voulais d’ailleurs vous remercier, et non sans émotion en vous écrivant ce matin, pour vos centaines, voire des milliers de messages de soutien. Ils se superposent à une tristesse et une colère qui rongent chaque matin, mais ils me permettent de me rappeler cette phrase du directeur d’un centre culturel rencontré en Palestine “ Nous n’avons pas le luxe du désespoir”

Engageons-nous, au sein de l’association-belgo-palestinienne Abp Asbl en soutenant le travail du CNCD-11.11.11, le combat de l’ Union des Progressistes Juifs de Belgique – UPJB ou de l’ Union Juive Française pour la Paix UJFP. En soutenant Amnesty International Belgique francophone, Médecins Sans Frontières / MSF et bien d’autres qui tentent de mettre fin à ce massacre.

Signez la pétition, manifestez, interpellez. Et ne perdons pas espoir. –> https://chng.it/CdsdCSCMtq

 

 

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